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Jean-Claude Féret

Réflexions sur la structure d'un mouvement de Bach

 

Derrière chez moi

Y a un étang

 

 

 

 

Il est très beau

Et très profond,

 

 

 

 

Sur son rivage,

De grands sapins,

 

 

 

 

Couleur vieux bronze,

L'air solemnel,

 

 

 

 

Narcissiques,

Se baignent dans le ciel.

 

 

 

 

Nul bruit,

Que le souffle de l'air :

La forêt qui respire

Au calme d'un midi d'été

 

 

 

 

Derrière chez moi

Y a un étang

 

 

 

 

Il y fait calme

et reposant

 

 

 

 

(La forêt l'entoure,

Silencieuse)

 

 

 

 

Dans l'eau bleue

Passent les nuages,

 

 

 

 

Troublés parfois

Au saut d'une carpe.

 

 

 

 

Des berges blondes

La chaleur tremble

En s'élevant

Dans la lumière immobile.

 

Souvent je m'y repose,

Et, au miroir de son éternité,

Je repense à ce qui fut demain.

Sonate pour violon & clavecin

Surtout, n 'allez pas chercher dans ce poème une quelconque illustration de ce mouvement magnifique, et qui se suffit à lui-même. Non, mais il se trouve qu'ayant eu à jouer cette œuvre lors d'un concert dans un château, et au cours des séances de travail, je me suis trouvé face à un problème d'interprétation.

En effet, les nuances en écho demandées par Bach pour les deux premières lignes, et que la main d'un de ses proches avait poursuivies jusqu'à la fin du mouvement, même si elles sont très courantes à cette époque, s'appliquent effectivement à un écho, c'est-à-dire à la même chose répétée moins fort, mais je n 'avais jamais rencontré cela de cette manière où en quelque sorte, lorsqu'on crie : « ça va ? », l'écho répond : « oui, merci, et toi ? »...

J'ai alors décidé d'étudier de manière un peu plus approfondie la forme de cette pièce. Généralement, lorsqu’un problème de structure d'une phrase musicale se pose, c'est-à-dire lorsque la structure n'est pas évidente, la manière la plus rationnelle que j'aie jamais trouvée, c'est de construire parallèlement une phrase à propos de tout et de n'importe quoi, de tartes au fraises et aux sardines avec de la moutarde... peu importe, mais une phrase construite exactement selon le modèle grammatical de la phrase musicale... Je me souviens par exemple du problème de structure le plus ardu que j'aie jamais rencontré : le premier mouvement de la sonate de Franck, et pour lequel j'avais concocté quelque chose du genre : « j'ai un jardin, il est grand, j'y ai donc planté des choux ; comme la terre est bonne, ceux-ci poussent bien, et la récolte est abondante ; pour autant... etc. »... toujours dans la même phrase j'abordais aussi les carottes, et puis la soupe aux choux que je faisais ensuite... Le problème de ce mouvement de la sonate de Franck, c'est la structure de la première phrase qui fait une demi page, mais que faute de l'avoir remarqué tout le monde joue en la saucissonnant avec des chutes toutes les fins de mesure...

Bref, je me mis donc à faire un texte pour le 3e mouvement de cette sonate de Bach, et ayant réalisé qu'il serait peut-être intéressant d'expliquer cela au public lors du concert, et, malgré mon premier désir de raconter dans cette phrase les délices insoupçonnés des sardines aux fraises et à la moutarde, je décidai par révérence au vieux père Bach de faire quelque chose de plus sérieux... soit dit en passant, il n'était pas (quitte à en décevoir quelques uns), du genre à rester toute ses journées derrière un pilier d'église, et je suis sûr qu'il ne se serait pas formalisé... pensez ! un homme qui a eu 21 enfants... et qui parait-il, composait sa musique avec sa petite femme sur ses genoux...

J'ai ainsi réalisé qu'en fait, effectivement, celui qui avait rajouté les nuances, même si ce n 'était pas Bach lui-même, savait parfaitement ce qu'il (ou elle) faisait, et probablement de la bouche même de celui-ci.

Donc, d'un bout à l'autre, des fragments de quelques mesures terminés par un silence au violon, tous de la même longueur pour les 10 premiers, puis deux plus longs, et, pour terminer, une sorte de conclusion, mais d'un caractère entièrement différent de celui du reste de la pièce.

À part les deux premiers fragments qui sont exactement semblables : un véritable écho, aucun des autres n 'ont quoi que ce soit à voir entre eux, rien, sauf l'essentiel, ils font partie de deux systèmes parallèles dont le second est une sorte de réflexion du premier... (noir sur fond blanc, et blanc sur fond gris)... la musique joue en zig-zags, en passant d'un ensemble à l'autre, de gauche à droite, puis de droite à gauche... mais elle pourrait aussi se lire chaque colonne séparément, celle de gauche (forte), puis celle de droite (piano), pour terminer de toute façon par la conclusion, qui vient réunir en quelque sorte les deux points de vue...

J'ai trouvé que cette réflexion de travail valait la peine d'être montrée, et comme je ne suis pas non plus mécontent du poème résultant, j'ai décidé de l'inclure ici pour ceux qui s'intéressent à ce genre recherche dans la subtilité musicale.

Réflexion sur la structure d'un mouvement Bach

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