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Jean-Claude Féret

 

 

THOINOT

ET LES VOLEURS

DE LEONARDO

 

 

 

Avec mon amour

à Anne-Lise, ma femme

à Émeline, ma minette

à Aurore, mon poussin

 

 

 

Jean-Claude Féret août 2002

 

CHAPITRE II

Prisonnier

Lorsqu’il commença à reprendre conscience, la première chose qu’il perçut, ce fut la sensation d’être secoué, ballotté de droite à gauche, et puis la sensation d’une pression désagréable sur son estomac, ensuite, il y eut cette douleur cuisante à la cuisse qu’il retrouva et qui ne le quitta plus.

Tout doucement il revint à lui, et lui revint aussi la mémoire, puis, au fur et à mesure, les perceptions lui revenaient : cette odeur puissante de cheval par exemple, la sensation de liens autour de ses poignets, de ses chevilles, autour de son corps, et qui l’arrimaient au cheval...

Il était couché sur le ventre en travers de sa monture, ses liens lui coupaient un peu les poignets, et aussi pressaient sa cheville douloureuse.

Il faisait jour, et, en tournant un peu la tête, il aperçut, en avant de lui, trois cavaliers aux vêtements crasseux, mais les siens devaient l’être aussi maintenant !

Ils étaient coiffés de grands chapeaux à larges bords, et, à leurs ceintures, on pouvait voir divers couteaux, sabres de toutes sortes, qui laissaient augurer de leurs activités.

Tournant la tête de l’autre côté, il vit encore en arrière de lui, deux autres cavaliers, aussi crasseux que les premiers, et tout aussi armés. Puis, il reconnut que son cheval était celui de la ferme, qu’ils avaient emmené avec eux.

Comment était-il arrivé en cette position ? Il n’était certes pas difficile de l’imaginer : lorsqu’il était tombé sur la route, il avait perdu conscience, et eux, probablement, étant passés par-là un peu plus tard, l’avaient trouvé sur leur chemin.

Pourquoi l’avaient-ils ramassé ? Peut-être avaient-ils besoin de quelqu’un pour faire leurs corvées, voire, servir d’éclaireur, avant d’entrer dans des lieux où l’on n’était pas sûr de trouver la voie libre de tout danger.

Toujours est-il qu’ils l’avaient ramassé, et qu’il était là maintenant, prisonnier.

Comment pourrait-il s’en sortir ? En tout cas, il devrait attendre que ses blessures soient guéries avant de pouvoir espérer s’échapper, ensuite, il faudrait attendre, et choisir le bon moment.

Pour l’instant, ils avançaient en empruntant apparemment des chemins un peu détournés, mais qui semblaient aller régulièrement dans la même direction : celle du soleil levant.

Il avait dû rester inconscient assez longtemps, car le soleil était déjà levé, semblait-il, depuis quelques heures.

Suite à un commandement bref, donné par le cavalier placé juste devant lui, le chef probablement, tout le monde s’arrêta.

On le délia de son cheval, et on l’assit au pied d’un arbre, on lui donna de l’eau, et puis un morceau de pain, qui l’aidèrent à retrouver un peu de vigueur.

Personne ne lui adressa la parole ; d’ailleurs, eux-mêmes, ils parlaient très peu entre eux. Puis, on le remit sur son cheval, toujours attaché, mais, cette fois, assis normalement.

Ils repartirent. Malgré l’inconfort de sa position, la brûlure de sa blessure, et la douleur de sa cheville, Thoinot regardait le paysage autour de lui, cherchant à s’orienter, à trouver des repères, et surtout à trouver un futur plan d’évasion.

À plusieurs reprises, il aperçut ce qui devait être la Loire, qui coulait à contresens de leur marche, donc, comme il l’avait tout d’abord pensé, ils marchaient bien vers l’Orient.

Comment pouvoir échapper à cinq hommes robustes, armés jusqu’aux dents, prêts à tout ? Bien sûr, lui aussi était prêt à tout, et puis, peut-être était-il seul et pas aussi robuste qu’eux, mais il lui semblait cependant, avoir un peu plus dans le crâne que ces rustauds taciturnes.

Il se disait en effet que s’ils ne parlaient presque pas, c’était plutôt que, leur tête trouvant déjà difficile d’abriter quelques pensées de nécessité immédiate, ils ne voulaient pas en parlant, risquer de laisser celles-ci s’échapper vers quelqu’un d’autre, ayant peur de n’en point trouver en remplacement.

Donc, comment fuir ? À cheval ? C’était délicat, car, en vérité, le Noiraud était un bon cheval, mais un cheval pour les travaux de la ferme, un cheval de trait, pas trop gros cependant, mais plus robuste que rapide ; eux, ils montaient de petits chevaux, dont les traits fins, et la jovialité du sourire, ainsi que la nervosité, laissaient présumer la présence de sang maure, donc, la rapidité; alors, s’enfuir pour se faire rattraper... aucun intérêt, cela risquait même d’être dangereux et de les indisposer, en leur montrant son manque de coopération.

Alors, quoi faire ? Gagner leur confiance, et puis un jour, ou plus probablement une nuit, s’éclipser quand l’environnement serait propice ?... Enfin, il verrait bien en temps voulu.

Au bout de quelques heures, au détour d’un chemin, ils aperçurent au loin, une forte troupe de cavaliers qui arrivait en sens inverse. Après quelques instants d’hésitation, l’ordre fusa bref, et les brigands tournant bride, se mirent au galop en sens inverse jusqu’à un chemin de traverse qu’ils empruntèrent.

La troupe de cavaliers avait déjà pris le galop, à leur rencontre d’abord, et puis maintenant à leur poursuite.

Plusieurs fois ils tournèrent abruptement dans des chemins creux. Après peut-être une heure de cette course en zigzags, tout le monde s’arrêta : il semblait que toute poursuite avait cessé.

Tous descendirent quelque instants de cheval pour se délier les jambes et boire une rasade à même les gourdes. Thoinot resta sur sa monture, enfin, on l’y laissa, mais on lui fit passer pourtant une gorgée d’eau ; ensuite, on repartit.

Longtemps encore ils continuèrent, tournant le dos au soleil qui maintenant se couchait.

À la nuit, ils s’arrêtèrent à l’orée d’un bois, cachés derrière un groupe de noisetiers. Ils attachèrent les chevaux, mangèrent un morceau de pain et du fromage, arrosés d’une rasade de ce qui semblait être du vin, car ils en versèrent même une goulée sur sa blessure.

Elle n’était pas très belle à voir, et se boursouflait en prenant une couleur rouge pâle un peu malsaine.

Lui aussi eut sa part de pain et de fromage. Ils n’étaient pas brutaux avec lui, pas tendres non plus, il avait juste la sensation d’être pour eux un objet pour lequel on n’a ni haine, ni amour, ni pitié, mais qu’on entretient en bon état.

On avait fait quelque chose pour sa cuisse, enfin, un geste, mais de la manière dont on aurait essuyé sur l’herbe le couteau avec lequel on venait de vider un poulet, ou d’égorger quelqu’un : et seulement pour empêcher qu’il ne rouille, pour le garder en état.

Tout le monde se roula, qui dans son manteau, qui dans une couverture, on jeta sur lui une grande cape crasseuse qui sentait la vieille graisse rance, la sueur, et le cheval.

Il dormit mal, d’un sommeil entrecoupé de rêves un peu agités, et finalement, se réveilla au signal, donné par le chef de bande.

Il était transi de froid et engourdi, à cause de ses liens un peu trop serrés, et qui l’empêchaient de se retourner librement.

Ils repartirent rapidement; la journée se passa comme la précédente, sans alerte toutefois, et sans rencontrer âme qui vive.

CHAPITRE III

Le spectre

La nuit était déjà bien avancée lorsqu’ils arrivèrent à un village endormi, qu’ils traversèrent silencieusement. À la sortie, ils prirent un petit chemin sur la droite qui semblait en faire le tour.

C’était un petit chemin qui serpentait un peu, montant au flan du coteau, encaissé entre deux hauts talus herbeux, et où le peu de clarté dispensée par la lune ne pénétrait qu’à peine, filtrée qu’elle était par les grands arbres qui le bordaient.

Dans un autre contexte, en d’autres circonstances, peut-être cela aurait-il pu passer pour un petit chemin plein de charme, mais, avec la présence de ces bandits, dans cette pénombre changeante, à proximité du cimetière dont on apercevait maintenant, au sommet du coteau, et par la grande entrée, les croix grises, les statues, se découpant dans le contre-jour en silhouettes sombres sur le gris laiteux des nuages, oui, vraiment, cela semblait inquiétant, d’autant plus que le vent soufflant un peu en altitude, les nuages se déplaçaient assez rapidement, et, tour à tour cachaient et dévoilaient la lune, faisant ainsi alterner la pénombre et le noir total, animant les ombres portées par les branches, presque dénudées en cette saison, et qui prenaient alors des allures de membres décharnés, de mains crispées, de squelettes figés...

Le cimetière lui-même était entouré d’un muret de pierres empilées, et puis, à l’intérieur et le surplombant, d’une haie de vieux buis plus haute qu’un homme, dont le vert sombre semblait noir, et dont l’odeur amère ajoutait encore à la gravité des lieux. Ils s’engagèrent à l’intérieur, en prenant l’une des allées qui longeait les buis ; Ils allaient lentement, au pas, et le bruit des sabots était maintenant à peine audible, étouffé par l’épais tapis de feuilles mortes.

Il régnait ici, une odeur de végétation mouillée et de champignon. Les grandes croix, et les pierres tombales humides, au gré de la lune, des nuages et du vent, lançaient par intervalles des éclats aigus, vite éteints, aux allures de feux follets.

Arrivés au bout de l’allée, ils s’arrêtèrent à l’abri d’un bouquet d’arbres, mirent pied à terre, et commencèrent à s’installer.

Ils avaient fait descendre Thoinot, mais l’avaient attaché à une corde dont l’autre extrémité était elle-même liée à une forte branche. Ils s’assirent pour manger.

C’est alors qu’un long gémissement fusa, comme venu de nulle part, un long cri plaintif, qui monta dans la nuit comme une sorte de hululement, et redescendit dans les graves, pour se terminer en gargouillis horribles... et puis, le silence total.

Tout le monde s’était figé dans l’immobilité la plus complète, dans le silence le plus absolu. La peur pouvait se sentir comme quelque chose de solide, autour de ces hommes, pourtant farouches, au cœur de ces durs gredins, pourtant intrépides, habi- tués à côtoyer la mort...

L’un d’eux cependant essaya de rire, comme pour se prouver qu’il en avait envie, mais personne ne s’y trompa, pas même lui, et le silence retomba, total, long, interminable, plus lugubre encore.

 

Thoinot, quant à lui, essayait à grands efforts d’avaler le morceau de pain qu’il venait juste de mettre dans sa bouche, mais, il semblait, ou bien que la bouchée avait fort grossi, ou alors, c’était son gosier qui, lui, avait rétréci, et, il avait beau faire, mais ça ne passait pas, il manqua même de s’étouffer !

Après quelques minutes, deux des brigands se levèrent, et, sans trop d’enthousiasme, avec beaucoup de circonspection, se dirigèrent vers les tombes; mais il était très difficile d’évaluer l’endroit, ou même la direction de l’endroit d’où était venu ce cri. Il semblait être venu de partout à la fois, aussi, après avoir parcouru quelques allées, regardé derrière quelques tombes, ils revinrent sans un mot pour terminer leur repas, et s’allouèrent même une rasade supplémentaire de vin, pour se redonner du courage.

Tout rentrait dans l’ordre cependant, le calme était revenu, l’incident reprenait place dans le passé, comme une sorte de rêve auquel on ne voulait plus penser.

Tout le monde s’apprêtait à passer la nuit, quand, une deuxième fois, le cri retentit : il fusa d’abord, plus sonore que la première fois, mais plus plaintif encore, comme la voix d’un être qui serait au comble du désespoir, ou de l’horreur.

Tous, en une fraction de seconde, portèrent la main à leurs armes... Alors, on vit émerger avec lenteur, comme sortant du sol, une longue silhouette sombre, surmontée d’un crâne qui luisait dans la nuit en grimaçant, un crâne horrible, dont on voyait le maxillaire s’ouvrir et se fermer, tandis que cet être de cauchemar s’avançait en semblant sautiller, ou bien gambader, en une démarche à la fois hésitante, grotesque, et sans but... sauf qu’elle semblait toutefois se rapprocher d’eux.

En même temps, retentissait un horrible ricanement démoniaque qui n’en finissait pas de monter, de descendre, de rebondir, de se dérouler dans le silence du cimetière.

Sans plus ni penser, ni se concerter, ni même attendre un ordre d’un chef qui, de toute façon, ne savait même plus qu’il était le chef, tous, d’un seul élan, sautant sur leurs montures, s’enfuirent aussi vite que celles-ci le leur permirent. Le bruit de la cavalcade se perdit au loin, et, bientôt, le silence se rétablit. L’apparition fantastique arrêtant sa démarche folle, se dirigea alors vers Thoinot qui n’en menait pas large, essayant de se faire tout petit contre son arbre, et aussi d’avaler sa bouchée, ne pouvant s’enfuir.

Le crâne disparut, et il ne resta que la lueur qui l’avait éclairé de l’intérieur, comme celle d’une torche, mais en beaucoup plus doux, et, ce qu’elle éclairait à présent, c’était la silhouette d’une grande cape, au-dessus de laquelle émergeait la tête tout à fait remarquable d’un vénérable vieillard aux longs cheveux blancs, à la très longue barbe blanche, et qui riait, non pas d’un rire démoniaque, mais du rire franc d’un bon vivant qui vient de jouer un bon tour à quelqu’un qui le mérite.

S’approchant de Thoinot, il lui dit avec un drôle d’accent et d’une voix redevenue grave :

– Allons, gamin, n’aie pas peur, je viens te délivrer. Il s’approcha doucement, et coupa les liens de Thoinot, maintenant, tout à fait confiant.

 

(Illustration : Leonard, Autoportrait âgé)

 

– Eh bien, mon garçon, tu dois te sentir un peu mieux comme çà !... mais, que t’est-il donc arrivé ? ajouta-t-il en voyant la démarche claudicante de Thoinot.

En deux mots, celui-ci lui parla de ses blessures qui le faisaient encore souffrir.

– Bon, nous regarderons ça dès que nous serons rentrés, mais, pour l’instant, je dois juste récupérer un peu de... disons de matériel... ensuite, nous partirons, et je suggère de ne pas s’attarder plus que nécessaire ici, ils pourraient revenir. Heu- reusement, tes ravisseurs nous ont laissé un cheval pour toi, donc, je vais maintenant t’aider à remonter en selle...

L’ayant fait, il guida le cheval d’une main, marchant à son côté, jusqu’à un monument funéraire, une sorte d’abri creux, ou de minuscule chapelle, avec un toit en coupole, et des sortes de peti- tes fenêtres rondes, décorées de bas-reliefs, ouvertes sur chacune des faces.

Il ramassa à l’intérieur un sac assez volumineux, qu’il jeta sur l’encolure du cheval, et, tout en reprenant son chemin, il expliqua d’une voix très détachée, comme pour la chose la plus naturelle du monde :

– C’est d’ici que j’ai poussé ces cris lugubres, ainsi, le son était envoyé dans plusieurs directions à la fois, et, avec la résonance due à la coupole ronde, l’effet était garanti... Pour ce qui est du crâne, ce n’est pas ce qui manque dans cet endroit, surtout lorsqu’on creuse un peu, or, j’étais occupé dans une tombe fraîchement ouverte, à retirer quelques pièces (maintenant, des pièces détachées !), à un corps qui, de toute façon ne pourrait plus jamais s’en servir... Quant à la lumière, c’est juste une branche que j’ai enduite d’une peinture de ma fabrication, qui, lorsqu’on la laisse au jour toute la journée, redonne ensuite, plusieurs heures durant, la lumière qu’elle a absorbée ; ça éclaire un peu moins qu’une vraie torche, mais ça ne fume pas, et puis, on ne peut ni se brûler avec, ni mettre le feu quelque part.

Tout en parlant, ils étaient sortis du cimetière et étaient arrivés à un petit bosquet, à quelque distance de là, où les attendait un cheval, attaché à l’un des arbres.

 

Le vieillard, qui après tout était plus leste que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre, après avoir attaché solidement le sac sur le cheval, se mit en selle, après quoi ils partirent.

Ils marchèrent une partie de la nuit, et enfin, à proximité d’Amboise, arrivèrent à Cloux, en une sorte de très grande maison ou de manoir, entourée de verdure. Ayant laissé les chevaux à l’écurie, ils entrèrent dans la maison, Thoinot appuyé sur le bras de son hôte.

– Sois le bienvenu à Cloux, lui dit celui-ci, mon nom est Leonard. J’aurais pu être peintre, si j’avais réussi à peindre comme je le souhaitais, j’aurais pu aussi être sculpteur, si j’avais réussi à fondre les statues dont j’avais la tête pleine, peut-être que j’aurais pu être savant, si j’avais trouvé les réponses au dixième des questions que je me posais, peut-être aussi que j’aurais pu être philosophe, si le fait de n’avoir pas réussi à atteindre mes buts me laissait, à la fin de ma vie, calme et serein, mais je n’arrive pas à m’y faire, et je cherche toujours des réponses, des solutions...

En tous les cas, ajouta-t-il en riant, il me semble que je suis un libérateur, puisque j’ai réussi à te débarrasser de tes ravisseurs. Allons, ajouta-t-il, maintenant, je vais m’occuper de tes blessures, viens. Ils allèrent dans une pièce, mi atelier, mi laboratoire, mi-bureau, avec un quatrième tiers : antre de sorcière, pleine d’objets surprenants, de bocaux emplis de cristaux de toutes couleurs, de poudres, de liquides dans lesquels baignaient des animaux… l’espace était jonché de constructions bizarres, de toiles accrochées, ou simplement posées contre les meubles...

Il fit asseoir Thoinot sur un siège, et se dirigea vers une étagère au mur où il prit une cassette en bois, joliment ouvragée. Il revint ensuite vers Thoinot, et déposa à terre son matériel, puis, rele- vant le haut de chausse, observa la blessure d’un œil attentif. Alors, sortant du coffret un peu de charpie(7) qu’il imbiba d’un peu d’esprit de vin(8), il en frotta doucement la plaie.

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(7) Charpie : tissus fins et usagés, mais propres, dépiautés, réduits à l’état de fils et de minuscules fragments, utilisés avant l’heure, en guise de coton hydrophile.

(8) Esprit-de-vin : distillat de vin : alcool

 

– Attention, fiston, dit Leonard, peut-être que ça va piquer un peu, mais il le faut.

Ainsi nettoyé, le sang séché se délayait, les lèvres de la blessure s’écartaient un peu, dans la partie la plus haute. Il l’enduisit d’une sorte d’onguent gras de couleur verte, qu’il sortit du pot de faïence.

Il prit ensuite une aiguille au bout d’un fil, et, perçant de celle-ci chacune des lèvres de la blessure à l’endroit qui semblait le plus large, il fit juste un nœud pour en resserrer les bords ; deux fois encore, il répéta l’opération. Il le fit avec tant de douceur, que Thoinot ne fit même pas « aïe ».

Ensuite, il enveloppa la cuisse dans un grand linge, et il se pencha sur la cheville. D’abord, il massa doucement avec les deux pouces, sans presque appuyer, comme pour sentir ce qui se passait à l’intérieur.

À un moment, il appuya juste un petit peu plus, de l’un des pouces, sur un point précis, et Thoinot sentit comme un déclic à l’intérieur, tandis que d’un seul coup, la tension disparut.

Leonard prit ensuite une longue écharpe, et l’enroula bien serrée, d’une manière assez compliquée.

– Bien sûr, dit-il, il vaut mieux ne pas marcher avec ce pied-là durant un jour ou deux, mais ça devrait se réparer vite. Puis, avec un sourire narquois, il ajouta :

– Tu vois, peut-être que j’aurais pu aussi être un médecin !...

Aperçu du volume 1

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